Par Maritxu
Alors…
Commençons par le commencement…
Ca démarre sur les chapeaux de roues
J’ai déjà dit qu’Amaia était venue passer quelques jours avec moi, pour m’aider dans mes derniers jours de grossesse, et profiter un peu de mes BD avant de s’exiler en Irlande-verte-et-fleurie. On avait évidemment le secret espoir que le monstre pointerai le bout de son nez au cours de son séjour, tout en sachant pertinemment que, avec tout l’esprit de contradiction qui caractérise son père, il allait attendre qu’elle soit partie. Ca n’a pas raté, il n’a pas fait mentir ses gènes.
Dès qu’Amaia a quitté l’appartement, les premières contractions sont arrivées, et je vous ai écrit le petit mot du 13 septembre ici. Donc, des contractions assez fortes et très rapprochées.
Après un bain et des Spasfons, on arrive à la maternité vers une heure de l’après-midi. Depuis 10 heures du matin, j’ai des contractions régulières toutes les 5 minutes, mais je ne me suis pas pressée, je sais qu’un premier accouchement est souvent long. Je n’imaginais pas à quel point le mien allait l’être…
On m’installe dans une salle d’examen, et la sage-femme constate que je suis effectivement ouverte à deux doigts, ce qui confirme que le travail a commencé. Le col est néanmoins toujours tonique. Elle me met sous monitoring pendant une demi-heure ( qui se transformera en une heure, mais bon), pour vérifier que les contractions sont bien régulières. Elles le sont ! Cool ! Je ne me suis pas affolée pour rien, ce n’est pas un faux travail. Je suis super fière de moi, à ne pas avoir appelé mon chéri pour rien, on est partis à la maternité exactement quand il fallait dixit la sage-femme. Je suis vraiment trop forte.
Comme je n’en suis qu’à deux doigts, elle nous dit d’aller nous balader pendant une heure, le temps d’amollir mon col et de passer à la vitesse supérieure.
On se retrouve donc à la cafétéria, j’ai pas trop faim, mais j’en profite pour grignoter un peu : je sais qu’en salle de travail ce sera interdit. D’ailleurs, petit truc pour celles qui n’ont jamais accouché : vous vous demandez sûrement - comme je l’ai fait - pourquoi on conseille un brumisateur en salle de travail. Bon, ok, on doit avoir mal, on doit être fatiguée, mais j’ai toujours mal compris pourquoi j’aurai besoin d’eau en fines gouttelettes sur la goule. Ben, en fait, en travail, on n’a pas le droit de boire. Rien, nada, que pouic. C’est en prévision d’une éventuelle anesthésie générale. Donc le brumisateur, c’est pas pour le front, c’est pour la soif. Pour humidifier la bouche, c’est la seule source d’eau à laquelle on aura droit pendant le travail. Voilà, c’est une chose qu’on oublie fréquemment de dire aux futures accouchées, et le découvrir au dernier moment, ben c’est pas cool. Heureusement, j’étais équipée, rassurez-vous.
J’ai mal. Mais c’est gérable. Je m’étire, je m’accroupis sur les bancs, les gens me regardent bizarrement… C’est rigolo ! Hé oui, on est dans une maternité ici : j’accouche moi ! On appelle nos parents, ils voulaient être prévenus au début du travail pour avoir le temps de s’organiser : ils habitent tous les deux à 3 heures de route, mais les grands-mères ne rateraient le premier jour de bébé pour rien au monde !
Et ça stagne
Quand on revient en salle d’examen une heure plus tard, elles me font passer directement en salle de pré-travail, dans la partie obstétrique de la maternité. Je suis toute excitée : ça y est, je vais avoir mon bébé, les choses avancent ! On me remet sous monitoring, mais personne ne vient m’examiner. Zut, j’aurais bien aimé savoir quel effet avait eu notre heure de marche autour de la maternité. Au bout d’une heure, je suis toujours enchaînée à mes câbles et toujours personne. Les contractions ne se sont pas calmées du tout et je commence à trouver la position franchement inconfortable. Chéri va aux nouvelles. En fait, personne n’est venu parce que comme je n’ai pas droit à la péridurale, il n’y a pas lieu de contrôler tout le temps : il faut laisser le travail se faire quoi. (pour savoir en détail pourquoi je n’ai pas le droit à la péridurale, c’est par ici, mais en résumé, j’ai fait une phlébite à 16 ans et du coup j’ai des piqûres d’anticoagulant tous les jours, et le produit de la péridurale est pas compatible avec mes piqûres) Mais j’ai envie de savoir où j’en suis, alors j’ai droit à un contrôle.
Deux doigts larges. Col tonique.
Super. Je suis passée de deux doigts à deux doigts larges. Trop hyper super. Je suis dégoûtée. Ca fait deux heures que je douille et il n’y a presque pas eu d’évolution ! Mais bon, au moins je suis délivrée du monitoring. C’est déjà ça. Pendant les deux prochaines heures, je marche, je bouge, je fais des allers et retours de bassin sur le ballon, bref, j’applique à la lettre tout ce qui est écrit dans le bouquin « j’accouche-facile » (non, j’rigole, il existe pas, mais si je l’ai raté, prévenez-moi, ça m’intéresse). On me pose une perfusion sur le bras gauche. J’ai déjà horreur des prises de sang, mais j’avais gardé un très mauvais souvenir de ma dernière perf’, il y a pourtant 12 ans de ça. Ben l’élève sage-femme a été formidable : je n’ai rien senti. Je douillais déjà sévère, mais elle me dit qu’elle préfère la poser maintenant parce que après, ça va être pire, et elle ne sait pas si elle pourra la poser entre deux contractions. Ca promet !
On me remet sous monitoring. Chéri et moi on essaie de passer les contractions avec l’haptonomie. Le résultat est pas mal, mais il faut que je me concentre vachement pour arriver à faire « passer » ma douleur. Dès que je me déconcentre, c’est foutu, je dérouille. Mon belge demande une pause pipi. Durant les 10 minutes où il m’abandonne, je perds les eaux. C’est vraiment marrant comme sensation, c’est vrai que c’est impossible à confondre avec autre chose. Crever la poche des eaux est vraiment une expression super bien choisie, puisque c’est exactement l’impression que j’ai eue : limite j’ai entendu le pop de rupture de la poche ! Et j’ai inondé le lit, évidemment ! Je n’osais pas bouger, et coup de bol, la sage femme est venue juste à ce moment là pour m’ausculter. Elle change les draps du lit et me regarde le col. Le verdict ? Je vous le donne en mille : deux doigts larges, col tonique.
J’aurais assassiné quelqu’un. Je me maudis d’être aussi stressée, je pensais avoir fait preuve de détachement pendant cette grossesse, avoir réussi à gérer mon stress, et être détendue. Ben non, mon naturel revient au galop : je suis une boule de nerfs. Et la boule de nerfs, par définition, est pleine de nerfs, donc plus réceptive à la douleur.
La sage-femme me dit que maintenant que la poche des eaux est rompue le travail va s’accélérer, mais être un peu plus douloureux. Super. Quoi, j’ai déjà dit super ? Coup de chance dans tout ça : la tête du bébé est « fixée », c’est à dire qu’elle obstrue bien le col. Donc il n’y a pas de risque que le cordon ou des membres sortent avant l’accouchement proprement dit et je peux me balader debout. Sinon, j’aurai été vissée au lit, ça aurait été trop du ballon.
Ca devient insupportable
Vers 10 heures du soir, je commence à accuser le choc, et à ne plus savoir comment gérer mes contractions. Chéri est formidable, il tente de me concentrer pour que je puisse faire de l’haptonomie, mais ça commence à faire trop mal pour que j’en sois capable, et je rate quasiment une contraction sur deux. L’infirmière me passe une perfusion de morphine pour tenter d’apaiser la douleur.
Ca n’a rien fait. Mais alors rien du tout, je n’ai pas vu la différence.
A minuit je suis à trois doigts, avec un col toujours tonique. Il paraît que tant que le col est tonique, le travail n’avancera pas. Génial. Et qu’est ce qu’on fait pour rendre un col mou ? Pas de recette magique : il faut attendre que ça se fasse.
Bon, la suite est sensiblement répétitive : toutes les deux heures environ une sage-femme venait constater que ça n’avançait qu’à pas de fourmi et moi je commençais à ne plus savoir comment je m’appelais, et à devenir une boule de douleur. Chéri me regardait désespéré avoir de plus en plus mal à chaque contraction, et ne pouvait rien faire. Ha oui, parce que pour couronner le tout, j’ai oublié de vous dire que mes contractions étaient centrées sur les reins, dans le dos. J’ai su après coup que c’est la façon la plus douloureuse de ressentir les contractions. Evidemment.
Toute l’équipe soignante me fait des malheureux sourires quand je passe dans les couloirs en essayant de faire descendre ce p**ain de bébé, et là je me rends compte que je hurle dès que je suis dans l’intimité de ma chambre de pré-travail. Ils doivent forcément m’entendre. Arg, les pauvres, j’ai honte. Heureusement, je ne pleure pas. Non, en fait, je ne peux plus pleurer, je n’ai plus assez d’eau dans le corps pour ça…
Ca fait 18 heures que je suis là et je n’ai toujours pas intégré une salle de travail. La loose. L’enfer. Achevez-moi !
Le nirvana existe et il s’appelle péridurale
Vers 4 heures du matin, la sage-femme me prend en pitié et décide de m’installer la pompe à morphine à laquelle j’ai droit alors que je suis toujours à trois centimètres.
Elle m’installe en salle de travail (enfin !) et appelle l’anesthésiste, qui me sort la phrase qui tue : « et encore, je ne peux pas vous promettre que ça va avoir un quelconque effet sur votre douleur ». Là je craque et je pleure (sans larmes) que c’est pas possible, qu’il faut qu’ils fassent quelque chose, que j’ai trop mal, etc.
Le gars me regarde deux minutes puis il me demande à quelle heure j’ai fait mon injection de Lovenox. Je réponds 9 heures du matin, la veille. Il sort et revient un quart d’heure plus tard : « j’ai appelé le chef anesthésiste et votre douleur est supérieure au risque de la péridurale. Vous avez trop mal, ça dure depuis trop longtemps, on vous la pose. » Je l’aurais embrassé. J’aurai accepté qu’il m’assomme pour que je n’aie plus mal de toutes façons. J’étais à un stade où une césarienne aurait été une bonne nouvelle, alors la péridurale, c’est la panacée !
Je m’installe sur le bord de la table, il fait la piqûre anesthésiante et, évidemment, j’ai une méga contraction pendant qu’il ne faut absolument pas bouger. Et quand on sait que l’aiguille fait 12 centimètres et qu’elle passe pas loin de moelle épinière, ben on ne bouge pas. Par contre, la main de chéri a dû perdre quelques millimètres de diamètre là où je l’ai serrée. Dix minutes après – soit encore deux contractions bonus – le machin commence à faire effet. C’est le bonheur. Au bout de 20 minutes, la péridurale fonctionne à pleine puissance, et je ne sens plus rien du tout. C’est décidé, je vais élever un monument au type qui a inventé ce truc, c’est merveilleux, c’est miraculeux. On passe de l’enfer le plus profond au paradis le plus rose. Le calvaire est fini ! D’ailleurs, juste après la pose de la péridurale-miracle, mon col est devenu mou, et je suis passée à 5 centimètres. Merci petit Jésus.
Comme bébé a le dos à droite et que l’accouchement est plus facile quand le dos est à gauche, la sage-femme me met dans une position bizarre pour faciliter le retournement du bébé. J’y resterai pendant 4 heures encore. On essaie de dormir un peu, mais tous les quarts d’heure on est réveillés par quelqu’un de l’équipe soignante qui vient prendre de mes nouvelles. Ils sont tellement gentils qu’on n’ose pas les rembarrer. On sent qu’ils sont soulagés pour moi. J’ai fait vraiment tant de bruit que ça ?
Chéri sort de la salle vers 7h30 juste après un check qui me donne à 8 centimètres (c’est pour bientôt !) pour prévenir nos parents que ça ne s’est toujours pas fait, mais qu’il n’y a pas de problème. Oui, ils attendaient l’annonce de la naissance par texto, et ne voyant rien venir, on se doutait bien qu’ils se demanderaient ce qui se passait. A 8h, quand il rentre, la sage-femme me re-check : et là, branle-bas le combat, elle annonce qu’on va pouvoir y aller.
La naissance, enfin !
En un temps record, la salle est pleine de monde. Elle me demande de pousser, respirer-bloquer, comme dans les films, c’est rigolo. Apparemment, je fais du super boulot. Comme je m’y attendais, elle me fait respirer par tranches de 20 secondes. Alors après la première poussée, je lui dis que je peux pousser vachement plus longtemps que ça, que j’ai une assez grande autonomie en apnée. Elle me dit ok, et effectivement, à la suivante, elle me fait pousser vachement plus longtemps en continu. Du coup, moi, ça me fatigue moins et les poussées sont plus efficaces. Après seulement 3 poussées, elle me prend la main et me la met entre les jambes « tenez, touchez ! » C’est tout mou et tout doux. Ca forme une excroissance entre mes jambes. C’est la tête de mon bébé !!
Deux contractions plus tard, elle me demande si je veux le sortir moi-même : bien sûr que je veux ! J’ai tellement imaginé ce moment ! En fait, je l’ai tellement rêvé qu’il a fallu que je demande quelques jours après à mon belge si je l’avais réellement sorti. Il est tout beau, tout fini, avec encore des plaques de vernix sur le corps. Il a les yeux ouverts. J’ai vaguement vu que c’était un garçon, mais je ne ressens pas le besoin de vérifier s’il a tous ses doigts, comme avait bizarrement fait ma mère à ma naissance. Je compte quand même, au cas où. Ce qui me frappe, c’est qu’il n’a pas de sourcils. Je trouve ça rigolo. En fait, il en a, mais tellement blonds qu’ils ne se voient pas. D’ailleurs, ce bébé a beaucoup de cheveux je trouve. Je m’étais tellement attendue à ce qu’il soit chauve connaissant ses deux parents ! Il a une houppette c’est marrant. Un vrai demi-belge quoi : il fait déjà Tintin ! Il a une petite rougeur sur l’œil et le front : je mets ça sur le compte du traumatisme de l’accouchement et remets ça à plus tard.
Je réalise soudain que la salle d’accouchement est pleine de monde : toute l’équipe est là, même ceux qui devaient terminer leur service à 8h. Arthur est né à 8h24 et certains sont restés pour voir la bouille qu’il aurait. Ca me fait vraiment plaisir.
On me le prend pour le peser et le mesurer. Son papa coupe le cordon. Il me dira après s’y être repris à deux fois tellement leurs ciseaux sont pourris. Mais il comprend par la suite pourquoi ils sont aussi nazes : on nous les donne en souvenir. N’étant pas fétichiste, je me demande encore quoi en faire ; j’ai du mal à me résoudre à les jeter… Sinon, il pèse 3,830 kg pour 51 cm. Un beau bébé quoi, bien à terme.
On me le pose en peau à peau pour la tétée de bienvenue pendant les deux heures où je reste au bloc pour évacuer les restes de placenta et autres trucs dégueu et sanguinolents.
D’ailleurs, encore un truc qu’on ne nous dit pas avant d’être enceinte : quand on croit que tout est fini, que ça y est, bébé est là et qu’on aura plus mal, ben on se goure. Trois fois d’affilée, espacées d’un quart d’heure, alors que t’es tranquillement occupée à faire des papouilles à ton bébé, y a une sadique qui vient t’appuyer sur le ventre comme une dingue pour en faire sortir dieu sait quoi. Et ça fait vachement mal, puisque péridurale-miracle il n’y a plus (surtout qu’en prévision de l’expulsion, j’avais arrêté de me faire des shoots pour avoir le maximum de sensations).
Chéri est parti envoyer des textos à tout va. Mes parents sont déjà partis de Paris, en route vers Lille.
Dès que mon belge réintègre la salle de travail, on me monte dans une chambre avec bébé toujours en peau à peau.
Ca y est, je suis maman, et je ne réalise pas encore !
La suite plus tard…